La Petite Reine Blanche
Un film de Mathieu Georis & Théo Hanosset
Film animé – en développement
15 ‘ – 2020
Ozù Productions & Xbo Films
Synopsis
Plongés dans la chaude obscurité d’une nuit d’été, les lampadaires d’Ottignies illuminent des voitures flottantes dans les airs. Le lendemain matin, un crop circle en forme de sablier apparaît sur la Place du Centre, reconvertie aujourd’hui en parking. Deux équipes de balle pelote, sport local chassé par l’automobile il y a plus de 30 ans, s’y affrontent, provoquant l’arrêt total de la circulation.
Résidence d’écriture à l’atelier de l’Enclume – 2021 – Bruxelles Résidence NEF Animation à Fontevraud – octobre 2022 © A. Pilot Résidence NEF Animation à Fontevraud – octobre 2022 © A. Pilot Remise des prix du Pitch MIFA – Lauréats Prix NEF – Annecy Festival 2022 Résidence NEF Animation à Fontevraud – octobre 2022 © A. Pilot
INTENTIONS
ESPACE PUBLIC ET RASSEMBLEMENT
L’espace public a la capacité de réunir les institutions culturelles et sportives dans une zone neutre et accessible à tout le monde. Dès lors, au même titre que les festivals, les processions religieuses ou les carnavals, le sport peut être vecteur de rassemblement spontané.
Partant d’une réflexion autour de la balle pelote, jeu de paume très populaire en Wallonie, nous souhaitons aborder les questions universelles de l’évolution urbanistique de notre société et de l’usage des espaces publics. Le déclin de cette discipline, qui se jouait autrefois sur les chaussées et les places de village, en témoigne directement. En effet, La perte de lieux collectifs, liée à la privatisation de l’espace public au profit du parc immobilier et automobile sont les réels enjeux du film.
De plus, suite à la crise COVID-19, nous avons pu observer à quel point ces endroits ont leur importance dans le paysage rural et urbain. Au moment où les regroupements privés étaient interdits, l’extérieur a récupéré son rôle de médiateur social.
A travers La Petite Reine Blanche, notre volonté est de repositionner la balle pelote au centre des villages et, par ce biais, d’interroger le rapport privé/public dans le territoire.
LA COUPE DU ROI
Dans ce contexte, La Petite Reine Blanche part d’un constat simple. Ottignies, petite ville belge, a perdu son âme au cours des trente dernières années. Au cours de nos recherches, nous avons découvert une photo de 1964 qui est à la base du film. La Place du Centre à Ottignies accueillait autrefois la Coupe du Roi, un tournoi de balle pelote qui rassemblait toutes les équipes de la commune et des environs. Moment important de l’année s’il en est, la famille royale y envoyait même ses représentant·es. Les foules se bousculaient autour du ballodrome sur un air de fanfare. La balle pelote incarnait ce lien social qui fait défaut aujourd’hui.
Depuis la place du Centre est devenue un énorme parking. Excepté la friterie et le libraire, les magasins l’ont délaissée depuis quelques années. Même si certaines limites de terrain égratignées par le temps ou des noms de rue persistent, l’inconscient collectif ne semble plus connaître cet héritage local.
OTTIGNIES ET LA BALLE PELOTE
Pour en comprendre les raisons, nous avons porté notre attention sur l’évolution de la balle pelote, jeu de paume centenaire qui se jouait sur les places de villages. S’y intéresser nous permettait de découvrir un pan historique et urbanistique décalé de notre territoire.
La disparition de ce sport de l’espace public s’est muée en porte d’entrée idéale pour comprendre la dynamique actuelle de la région. Notre projet s’inspire donc de la relation conflictuelle entre un parc automobile de plus en plus grand et un sport relégué hors des frontières de nos villes et villages.
RASER ET RECONSTRUIRE
La croissance démographique et l’explosion des prix immobiliers sont devenus des enjeux majeurs qui modifient continuellement le paysage belge. Ottignies n’est pas en reste. Avec l’arrivée de la nouvelle ville universitaire Louvain-la-Neuve et la construction des centres commerciaux Le Douaire et L’Esplanade, la vie commerçante s’est déplacée vers des espaces clos qui ont tué à petit feu tout esprit de quartier. Ajoutons à ce phénomène la construction de ballodromes en site propre, et nous obtenons une lente agonie des cafés, des commerces et de l’identité villageoise vibrante pour la balle pelote qui se jouait sur la place publique.
Depuis trente ans, la ville d’Ottignies rachète les maisons situées sur la place du Centre afin de pouvoir la raser et y construire un nouveau projet. La volonté du conseil communal ottintois est de revitaliser le centre-ville. Bien que la consultation populaire soit envisagée, une des possibilités est de densifier cette zone tout en créant un sens de circulation unique. Pourtant, Ottignies est difficilement accessible aux heures de pointe, les embouteillages rythmant le quotidien.
GAGNE-TERRAIN
Bien que la balle pelote soit utilisée comme outil de réappropriation du territoire dans notre film, il s’agit avant tout d’un jeu de gagne-terrain. Le but de ce paragraphe est de vous faire comprendre le parallèle entre le principe de gagne-terrain et la lutte privé/public qui alimente La Petite Reine Blanche. La balle pelote repose sur un principe de conquête et de défense de territoire. Deux équipes de 5 joueur·euses s’affrontent de part et d’autre d’un terrain scindé en deux, mais dont la répartition territoriale entre les deux évoluent.
En cours de match, l’équipe jaune devra par moment défendre un terrain de 5m de long et parfois défendre un terrain de 60m. Le but est de renvoyer une balle au-delà des lignes du fond pour marquer un point. Comme au tennis, la balle doit passer au dessus du filet. Les différences sont qu’il n’y a pas un mais deux filets et qu’ils sont invisibles. Ils se déplacent sur tout le terrain en fonction des échanges de balles précédents, créant ainsi ces proportions mouvantes.
En conclusion, la balle pelote et son principe de gagne-terrain sont une mise en abîme de la lutte entre les voitures et l’âme d’Ottignies, entre la place publique et les espaces privés.
TRAVAIL DU TERRAIN
La Petite Reine Blanche part d’un travail de terrain entamé en 2019. Entre le territoire ottintois et l’univers de la balle pelote, l’approche fut documentaire dans un premier temps. Fort de sa formation à l’ENSAV la Cambre en « Espace Urbain », Théo Hanosset mena les premières recherches historiques et territoriales pour comprendre les enjeux de la province du Brabant Wallon. Quand la balle pelote est apparue comme un sujet intéressant, Mathieu Georis rejoignit le projet. De là est parti notre création commune.
Dans son histoire récente, la province du Brabant Wallon connut un moment clé à la fin des années 60 : l’arrivée de Louvain-la-Neuve. Ville piétonne à part entière et campus étudiant, sa construction au début des années 70 a changé drastiquement la face de toute une région. Nous avons donc orienté notre recherche sur l’évolution de la balle pelote dans la commune d’Ottignies-Louvain-la-Neuve.
Pour créer notre narration, il fallait réunir une problématique territoriale et le jeu de paume. Des pistes nous ont mené à la famille De Moffarts, active dans le club de balle pelote de la ville. Cette famille vit dans le quartier alternatif de la Baraque qui est menacé par le Courbevoie, nouveau quartier représentatif de la pression immobilière à Louvain-la-Neuve. La problématique était stimulante mais le film Quartier Libre traitait déjà du sujet. C’est à ce moment là, que nous nous sommes concentrés sur la photo de la Coupe du Roi et sur les enjeux urbanistiques de la ville d’Ottignies.
Tests graphiques – © Mathieu Georis Tests graphiques – © Mathieu Georis Tests graphiques – © Mathieu Georis